
Gustave Caillebotte est né en 1848 dans une famille très aisée. Elève à l’Ecole des Beaux-Arts, il a étudié dans l’atelier de Léon Bonnat. C’est à la demande de son ami Renoir, qu’en 1876, il participe à la deuxième exposition des Impressionnistes, dans les locaux du marchand d’art Durand-Ruel, rue Lafitte à Paris.
Il y présente huit toiles dont « Les raboteurs de parquet », alors très commentée par la critique, et « Le jeune homme au piano ».

La toile représente un jeune homme occupé à jouer du piano. Il semble concentré, la bouche entrouverte et les mains suspendues en l’air. Il est vu à contre-jour dans une pièce au décor bourgeois et à l’atmosphère intime, dans laquelle le piano à queue occupe presque tout l’espace.
Ce jeune homme, c’est son jeune frère, Martial, 22 ans, compositeur et précurseur de la musique dite « impressionniste ». Le décor est celui de l’hôtel particulier familial, rue de Miromesnil à Paris. On retrouve ce décor, notamment la fenêtre et le fauteuil rouge, dans un portrait que Caillebotte fait de son autre frère, René et qu’il présente à la même exposition. Les deux portraits, l’un horizontal et l’autre vertical, ont des formats presque identiques. On peut imaginer que ce sont des pendants et qu’ils ont été pensé pour être vu ensemble.

La scène est vue en grand-angle et en plongée. Le spectateur voit donc la pièce légèrement par dessus. Le cadrage coupe brutalement certains éléments du décor comme la fenêtre ou le cadre accroché au mur. Ce type de composition est sans doute influencé par les procédés photographiques. Martial est d’ailleurs un très bon photographe amateur et réalise de nombreux clichés.
Caillebotte porte une grande attention au décor et décrit avec précision la surcharge des motifs. Il aime rendre les différentes matières : papier-peint, rideaux, tapis, surface réfléchissante du piano…
Tout cela donne l’impression d’être au plus près du sujet, de rentrer dans son intimité. En même temps, la vue en plongée et le contre-jour nous tiennent à distance du personnage. Il en va de même pour le Jeune homme à la fenêtre, vu de dos et à contre-jour.
Il se dégage aussi une atmosphère un peu étouffante : le piano semble coincé dans l’angle de la pièce et les nombreux motifs du décor envahissent la pièce. Je ne peux m’empêcher de penser que ce décor foisonnant sera regardé puis exagéré par Vuillard qui, par un effet de saturation, montrera le côté étouffant des intérieurs bourgeois.

Caillebotte représente ici une scène d’intimité qui nous laisse pénétrer dans l’univers d’un artiste. Le motif du piano est vu comme le symbole de l’activité créatrice. Il diffère en cela de ses contemporains pour qui le piano est surtout l’occasion de montrer un loisirs féminin à la mode dans la bourgeoisie du temps.




Avec cette œuvre, Caillebotte nous plonge dans l’intimité feutrée d’un appartement bourgeois, tout en nous laissant à une certaine distance du personnage qui l’occupe. Martial à son piano nous évoque l’activité créatrice alors que son pendant, René est absorbé par sa vision de la rue. On peut imaginer que les deux tableaux nous proposent deux aspects de la vie contemplative : l’évasion, en pensée, vers l’extérieur, d’une part et l’introspection, d’autre part. Ils peuvent également être vus comme la représentation de deux des cinq sens : la vue et l’ouïe.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Incroyable, c’est justement en découvrant “Jeune homme au piano” de Caillebotte (une reproduction que j’ai toujours vu chez mes grand-parents) que j’ai eu envie de me mettre au piano 🎹 ! Je ne savais pas du tout qu’il avait peint son frère et que ce dernier avait été une figure forte du courant impressionniste en musique. Merci pour ces informations !
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