Les collections du musée permettent d’avoir une vue d’ensemble des grands courants qui traversent le XIXe siècle.
Commençons par le Romantisme, dont le musée conserve quelques œuvres d’un de ses principaux représentants : Eugène Delacroix et aussi une œuvre du jeune Gustave Moreau.

C’est l’une des trois versions existantes que Delacroix a peint, dans la dernière partie de sa carrière alors qu’il renoue avec la peinture religieuse. Le sujet lui a été inspiré par une Flagellation de Rubens qu’il a pu voir lors d’un voyage à Anvers en 1850. Malgré son admiration pour Rubens, Delacroix livre ici une vision très personnelle du thème. Il laisse de côté l’aspect historique (il rejette les figures des bourreaux dans l’ombre) pour se concentrer uniquement sur la figure du Christ et sur son isolement. Au contraire de Rubens qui montre un dos sanglant, l’artiste insiste sur le dos courbé, mis en valeur par éclairage violent. Il montre un Christ plus en proie aux douleurs spirituelles qu’aux douleurs charnelles, image d’une humanité universelle.


C’est une œuvre de jeunesse du peintre, à une époque où il est encore influencé par Delacroix et Chassériau. Il s’agit aussi de l’une de ses œuvres les plus grandes, alors qu’il sera plutôt adepte des petits formats. Moreau se passionne pour la Bible et il choisit ici un passage du Cantique des Cantiques qui raconte le viol de la Vierge de Sulam par des soldats ivres alors qu’elle était partie rejoindre son bien-aimé. La construction en pyramide est typique de l’époque romantique comme le contraste entre la jeune femme et les soldats (dans les attitudes et les couleurs).
En sculpture, la période est dominée par la figure de François Rude. Né à Dijon en 1784, il obtient le prix de Rome en 1812. Exilé à Bruxelles à la chute de l’Empire en raison de ses idéaux bonapartistes, il ne fera jamais son séjour en Italie. A son retour à Paris, il présente au Salon de 1828 un Mercure rattachant se talonnière et, en 1833, un Petit pêcheur napolitain qui le désigne aux yeux des artistes romantiques comme l’un des principaux sculpteurs de son temps.


Rude choisit un sujet anecdotique et pittoresque, pour une une figure grandeur nature. Il est en totale rupture avec la sculpture classique qui considère ce type de sujet indigne de l’art statuaire. Si l’enfant est montré nu, comme les héros antiques, son corps n’est pas idéalisé et un large sourire découvre ses dents. Son bonnet et son scapulaire le désigne comme un enfant de Naples et insiste sur l’aspect populaire de la représentation.
François Rude a été le professeur, à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, d’un autre grand sculpteur du XIXe siècle : Jean-Baptiste Carpeaux.

Dans ses portraits, Carpeaux aime restituer l’intensité du regard . Il essaie de transcrire une vivacité dans la pose, le traitement des cheveux et du vêtement (veste ouverte, col dénoué). En cela il tranche sur les nombreux portraits académiques de son époque.
Les artistes romantiques témoignent d’un regain d’intérêt pour les sujets historiques, plus particulièrement médiévaux. Cette tendance va se traduire, en sculpture comme en peinture, par la naissance d’un genre que l’on nomme « style troubadour ».

Fille de Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne meurt en 1483 d’une chute de cheval lors d’une chasse au faucon. L’artiste se concentre sur l’anecdote et la représentation des costumes d’époque.

Epouse de François Rude et dijonnaise comme lui, Sophie Rude produit quelques tableaux historiques avant de s’orienter vers une carrière de portraitiste. La composition fondée sur des jeux de mouvements et de couleurs est typiquement romantique.
Le goût pour les motifs orientaux, que nous avons déjà vu chez Moreau, est un autre aspect des intérêts de la génération romantique. Suite à la conquête de l’Algérie par la France en 1830, de nombreux artistes sont fascinés par la lumière et les nouveaux paysages qu’ils découvrent. Cette tendance se poursuit tout au long du siècle, qu’il s’agisse de sujets orientaux montrés de manière réaliste, voire quasi documentaire ou bien qu’il s’agisse d’un Orient complètement fantasmé.

Delacroix est témoin de cette scène lors de son voyage au Maroc en 1832. Il peint cette esquisse sur le vif mais ne présentera la version finale au Salon que treize ans plus tard. Déjà, dans l’esquisse toute l’attention est portée sur la figure du sultan à cheval. Elle annonce les couleurs éclatantes du tableau et montre une touche extrêmement libre.


Bourguignon d’origine, Ziem a sillonné toute l’Europe et le Moyen-Orient. C’est en 1847 qu’il découvre Constantinople.

Gasté, grand voyageur, a fait de fréquents séjours en Afrique du nord où il révèle des talents de coloriste et un goût prononcé pour les portraits. Son attention porté aux types physiques et aux costumes atteste d’une volonté de recherche documentaire. Cette tendance descriptive est de plus en plus présente chez les orientalistes de la seconde moitié du siècle et fait écho à l’essor de la photographie ethnographique.
La Révolution de 1848 permet l’émergence d’un art social et réaliste dont la figure principale est Gustave Courbet et qui, là encore, va traverser toute la seconde moitié du XIXe siècle.

Le sujet a été inspiré à Courbet par un orage auquel il a assisté en 1865 sur la côte normande. Le peintre cherche à bloquer le spectateur face à une nature déchainée. Aucune issue n’est possible pour le regard (fond bouché par le mur d’eau, vagues furieuses à gauche, falaise à droite).

Artiste précoce, le dijonnais Félix Trutat présente au Salon de 1846 ce double portrait qui connaît le succès. Excellent portraitiste, sa carrière sera vite arrêtée par sa mort prématurée en 1848 à 24 ans.

Autre dijonnais, le peintre Louis Galliac propose un format inhabituel pour une scène de genre, rarement peinte sur grand format. Dans une composition sobre, il insiste sur le réalisme de l’expression.

Henri Bouchard développe une approche naturaliste, très proche du monde du travail. Ici, l’homme est représenté en train d’aiguiser sa faux, dans un costume quotidien. Le sculpteur essaie de capter l’attitude la plus naturelle possible.
Ce courant naturaliste est adopté par un groupe de peintres qui se rassemble, dès 1830, à Barbizon pour peindre des paysages sur le motif. Leur travail se diffusera chez les peintres provinciaux, comme chez le bourguignon Louis Carbonnel.

L’idéal artistique du Second Empire et de la Troisième République est représenté par les artistes « pompiers » ou académiques qui imposent un art officiel, conforme aux règles académiques.


Mercié se confronte au sujet biblique pour lui donner une résonnance politique. Le jeune berger foulant aux pieds la tête du géant Goliath évoque le désir de revanche de la société française au lendemain de la défaite et de l’humiliation de la guerre de 1870. Aussi la sculpture connut un succès immédiat.
A partir des années 1860, se répand en Occident un engouement pour l’art japonais. Les artistes s’approprient autant la simple représentation d’objets exotiques que les choix stylistiques de la peinture japonaise. Ce mouvement, le Japonisme, devient une source d’inspiration pour de nombreux artistes.

Portraitiste mondain, James Tissot accumule les éléments de décor japonisant pour parer sa Vénus occidentale d’un exotisme un peu artificiel. Pour autant, il insuffle de la modernité à sa toile en construisant un espace complexe et foisonnant de références asiatiques.
Deux grands artistes, issus du Réalisme, Edouard Manet et Eugène Boudin vont devenir des chefs de file pour la génération impressionniste.

Manet fait preuve d’une grande habileté dans l’utilisation du pastel. Il exploite la technique pour faire surgir de la masse sombre de la robe, le visage vaporeux aux chairs rosées.

Né à Honfleur, fils de marin, Boudin cherche à rendre l’univers qui l’entoure (bateaux, ports, plages, ciels changeants de Normandie). Il réserve une grande partie de sa toile à la représentation de ciel et aux reflets des nuages dans l’eau, avec une touche très libre.
Ces deux grands peintres ouvrent la voie à un groupe de jeunes artistes qui vont se réunir sous le nom d’Impressionnisme. Le musée possède essentiellement des paysages dans lesquels les peintres cherchent à capter l’aspect fugitif des phénomènes climatiques et lumineux.

Grand amoureux des falaises d’Etretat, Claude Monet peint une cinquantaine de toiles s’y rapportant. Il choisit, ici, de représenter le départ des bateaux pour la pêche au hareng. Sa touche fragmentée transcrit les scintillements et les mouvements de l’eau. Une autre toile, conservée à Moscou et peinte à la même période, montre la porte d’Aval sous le même angle. L’idée de peindre un même sujet, avec le même cadrage mais en ne s’intéressant qu’aux variations lumineuses annonce les séries des années 1890.


Sisley place la ligne d’horizon très bas ce qui lui permet de laisser une large place au ciel. Comme chez Monet, sa touche capte le scintillement de l’eau et les effets du vent.

Voulant développer et rationaliser les recherches des impressionnistes sur la lumière, Georges Seurat élabore le pointillisme (division de touches juxtaposées de couleurs pures). Après lui, d’autres artistes s’intéressent au procédé, dont Henri Edmond Cross.

Dans cette vue d’un petit port provençal, Cross délaisse le système de point de Seurat pour une touche, toujours divisée, mais plus libre.
Dans les dernières années du siècle, le mouvement symboliste délaisse la réalité pour une conception plus spirituelle des arts et un retour à des sources littéraires. Ce courant, loin d’être homogène, s’illustre par une grande diversité de tendances.

Refusant la couleur, Carrière noie la figure dans un camaïeu de bruns. Il met en avant le visage et les mains qui semblent émerger d’un brume fantomatique.

Le bourguignon Jean Dampt aborde fréquemment, comme de nombreux symbolistes, le thème des âges de la vie. Ici, il fait contraster le visage lisse et joufflu du bébé avec le visage marqué par le temps de la vieille femme.

Dampt ne fut pas uniquement sculpteur mais aussi ébéniste. Son travail du bois, tout en restant dans la mouvance symboliste, en fait un précurseur de l’Art Nouveau. Sur ce lit d’inspiration néo-gothique, on retrouve le thème des âges de la vie.
Le groupe d’artistes, se faisant appelé les Nabis, veulent, eux aussi, à la fin du siècle, renouveler la peinture.

Vuillard donne l’impression du mouvement grâce à un cadrage insolite, inspiré de la photographie.

Le point de vue de cette composition est inédit. Non seulement, il montre le public dans une salle quasi vide (et non la scène, comme on pourrait s’y attendre) mais son alignement de sièges sur toute la surface de la toile écrase toute perspective.
Enfin, pour terminer ce survol du siècle, évoquons la figure de Rodin dont le musée possède plusieurs œuvres. Il est considéré comme le père de la sculpture moderne et nous fera basculer dans les collections du XXe siècle…

( A suivre…)