Naples à Paris. Le musée de Capodimonte s’invite au musée du Louvre

En 1738, Charles de Bourbon, roi de Naples et de Sicile, décide de faire construire un palais à Naples, sur la colline de Capodimonte, avec une vue sur la baie de Naples. Dès le départ, il souhaite, non seulement une résidence pour lui et sa cour, mais aussi un lieu de prestige pour accueillir la magnifique collection d’art qu’il a héritée de sa mère, Elisabeth Farnèse. C’est le noyau de la collection du musée de Capodimonte qui n’a cessé de s’enrichir au fil du temps pour devenir l’un des plus beaux musées italiens.

Le musée de Capodimonte
Le belvédère du parc de Capodimonte

Deux dynasties ont joué un rôle important dans la constitution des collections muséales : les Farnèse et les Bourbons.

La famille Farnèse, d’abord, est une grande famille de collectionneurs romains. Dès la Renaissance, entre autres avec le cardinal Alexandre Farnèse et le pape Paul III Farnèse, la famille constitue une immense collection d’antiques, d’oeuvres des grandes écoles italiennes et commande de magnifiques oeuvres d’art comme la « Cassette Farnèse »

Titien, Portrait du pape Paul III, tête nue, 1543, Huile sur toile, 106×85 cm
Guglielmo Della Porta, Buste du pape Paul III, Vers 1577, Marbre et onyx jaune

Titien, Portrait du cardinal Alexandre Farnèse, 1545-46, Huile sur toile,97×73 cm

Manno Sbari et Giovanni Bernardi, Coffret dit « Cassette Farnèse », 1548-61, Argent doré, cristal de roche sculpté, émail et lapis-lazuli

La dynastie des Bourbons fait construire le palais, enrichit les collections et développe une manufacture de porcelaine qui fournit de nombreux chefs-d’oeuvre.

Filippo Taglioni, La Chute des Géants, A partir de 1785, Biscuit de porcelaine, H:162 cm

Cette pièce de porcelaine était destinée à orner la salle des banquets. Elle représente Zeus, au sommet de la pyramide, foudroyant les Géants. En raison de la taille exceptionnelle de l’objet, sa réalisation a été très longue et délicate.

Cette extraodinaire collection nous permet de faire un survol de la peinture italienne, d’une part et de la peinture napolitaine, d’autre part.

La première Renaissance, au XVe siècle, est bien représentée par des oeuvres de Masaccio, Masolino et Bellini.

Masaccio, Crucifixion, 1426, Tempera et or sur bois, 83×63 cm

L’histoire de l’art considère Masaccio comme l’un des fondateurs de la Renaissance en peinture et un des inventeurs de la perspective géométrique. Dans ce panneau, Madeleine, de dos, nous invite à entrer dans la scène pour partager le désespoir des personnages face à la mort du Christ. Même s’il garde certains critères hérités du Moyen-Age, comme le fond doré, le peintre met en place un nouveau langage pictural : attention portée aux volumes des corps et à l’expression des émotions. Il innove également en introduisant la perspective. En effet, la tête du Christ nous paraît bien trop enfoncée dans les épaules. Hors ce panneau était au sommet d’un polyptique et était situé à cinq mètres de hauteur. Ce raccourci étrange permet en fait de tenir compte du point de vue du spectateur, placé plus bas, et permet de rendre l’illusion d’un visage penché vers l’avant.

Masolino, Le Miracle de la Neige, 1423, Tempera sur bois, 144×76 cm

Selon une légende, une importante chute de neige s’est produite à Rome entre le 4 et 5 août 1352 lors d’un mois d’août très chaud, dessinant sur la colline de l’Esquilin les contours d’une église. Le pape Libère décide de construire à cet emplacement la basilique Sainte-Marie-Majeure. Collaborateur de Masaccio, Masolino reste très influencé par le Gothique tardif. Il est tout de même attentif aux innovations de Masaccio dans ses essais de perspective de l’architecture et des nuages.

Giovanni Bellini, La Transfiguration, Vers 1478-79, Huile sur bois, 115×152 cm

C’est dans une atmosphère paisible que Bellini place la scène de la Transfiguration, événement pourtant extraordinaire, où, l’espace d’un instant , Jésus montre son essence divine. Les personnages sont traités à la manière antique ( leurs volumes sont soulignés par un jeu complexe de draperies) mais l’élément le plus admirable reste le paysage. L’artiste porte une attention particulière à la représentation réaliste des éléments (rochers, végétation du premier plan, barrière de bois). Le calme paysage de l’arrière-plan, noyé dans la lumière et peuplé de bâtiments, de chemins et de personnages est totalement novateur.

Jacopo de Barbari (attribué à), Portrait de Luca Pacioli avec un élève, 1495, Huile sur bois, 95×108 cm

Luca Pacioli, religieux franciscain, était un grand mathématicien. Il est représenté avec, posés au premier plan, des livres, des instruments de mesure et des formes géométriques . Associer un personnage à des objets qui définissent ses activités ou ses connaissances est caractéristique des portraits de la Renaissance.

Notre découverte se poursuit par des oeuvres de la Renaissance dite « classique », du début du XVIe siècle.

Sebastiano del Piombo, Portrait de Clément VII sans barbe, Vers 1526, Huile sur toile, 145x 100 cm

Le peintre utilise la pose traditionnelle pour un portrait de pape : assis, en oblique et « coupé » au niveau des genoux. Il lui donne une impressionnante momumentalité. En utilisant pratiquement aucun accessoire, le regard peut se concentrer sur le vêtement et le visage volontaire du modèle.

Lorenzo Lotto, Portrait de Bernardo de’ Rossi, évêque de Trévise, 1505, Huile sur bois, 54×41 cm

Présenté sur un fond vert émeraude , le visage du jeune évêque est montré avec réalisme (cernes, imperfections de la peau). Sa présence est accentué par une lumière violente venant de l’espace du spectateur qui décolore la couleur rouge du vêtement.

Titien, Portrait du pape Paul III avec ses petits- fils Octave et Alexandre Farnèse, 1546, Huile sur toile, 210×174 cm

Titien monumentalise son sujet en employant un grand format et en peignant ses modèles grandeur nature. Le pape, représenté assis, semble accablé autant par le poids des ans que par celui de son somptueux costume. Ses petits-fils sont figurés dans des attitudes radicalement différentes. Si Alexandre, au second plan, paraît raide telle une statue, Octave est montré tout en mouvement.

Titien, Danaé, 1544-45, Huile sur toile, 120×172 cm

Le corps délicatement modelé de la figure de Danaé est un sommet de l’érotisme.

La collection est riche également d’oeuvres maniéristes et baroques.

Le Parmesan, Portrait de Galeazzo Sanvitale, 1524, Huile sur bois, 108×80 cm

L’accumulation d’objets dans ce tableau montre ce que doit être un parfait gentilhomme, à la fois guerrier et homme raffiné.



Le Parmesan, Antéa, Vers 1535, Huile sur toile, 138×86 cm

Au premier regard, on ne voit que le visage énigmatique et l’opulence du costume de la jeune femme. Ensuite, on note le contraste violent entre la main blanche qui tient le collier et la main gantée qui semble être mordue par la zibeline portée sur l’épaule.

Annibal Carrache, Pietà, 1599-1600, Huile sur toile, 156×149 cm

S’inspirant de la Piétà sculptée de Michel-Ange, Carrache accentue la proximité de la Vierge avecc son fils en faisant reposer la tête du Christ dans sa main. La construction pyramidale inclut un angelot qui soutient la main gauche du Christ. Un second petit ange désigne la couronne d’épines et prend le spectateur à témoin de la Passion de Jésus.

Guido Reni, Atalante et Hippomène, 1620-25, Huile sur toile, 191×264 cm

Le thème, tiré des Métamorphoses d’Ovide, raconte l’histoire d’Atalante qui n’accepte de se marier qu’à la condition que ses prétendants réussissent à la battre à la course. Amoureux, Hippomène, aidé par Vénus, y réussit en laissant tomber trois pommes du jardin des Hespérides. A chaque fois qu’Atalante se baisse pour les ramasser, le jeune homme peut prendre de l’avance.

Comme on peut s’en douter, le musée de Capodimonte possède une riche collection d’oeuvres dues à des artistes du sud de l’Italie et plus particulièrement napolitains. Les oeuvres s’étendent sur une période allant du XIIe siècle au XVIIIe siècle, même si la prériode la plus faste reste celle de la peinture baroque.

Colantonio, Retable de saint Vincent Ferrier, 1456-1458, Huile sur bois,

Autour d’un immense saint Vincent Ferrier, prêcheur dominicain du XVe siècle, des panneaux racontent les épisodes de sa vie en alternant scènes d’extérieur et scènes d’intérieur. Doté d’un grand sens narratif, Colantonio montre qu’il a assimilé à la fois les nouveautés de l’Italie centrale et aussi la manière flamande.

Caravage, La Flagellation, 1607, Huile sur toile, 286×213 cm

Ayant fui Rome en 1606, Caravage s’installe quelques temps à Naples où il peint cette Flagellation pour une chapelle de l’église San Domenico Maggiore. L’art du peintre se construit sur un travail dramatique de la lumière. Ici, une lumière vive vient mettre en valeur le corps du Christ à la blancheur parfaite. Elle contraste avec la bestialité des bourreaux, plongés dans l’ombre. Le naturalisme du Caravage constitue un tournant dans l’histoire de la peinture à Naples et inspirera de nombreux peintres de la première moitié du XVIIe siècle.

Ribera, Saint Jérôme et l’Ange du Jugement, 1626, Huile sur toile, 262×164 cm

S’inspirant de Caravage, Ribera, peintre espagnol établi à Naples, travaille la lumière et les clairs-obscurs. Il est très attentif au rendu naturaliste tant dans la nature morte que dans sa description de la vieillesse.

Artemisia Gentileschi, Judith décapitant Holopherne, Vers 1612-13, Huile sur toile,158×125 cm

Elle aussi inspirée par Caravage, dans le thème comme dans le style, Artemisia Gentileschi montre une scène d’une rare violence avec un cadrage très serré. Elle arrive à rendre tangible l’énergie déployée par les deux femmes pour maitriser Holopherne.

La seconde moitié du XVIIe siècle est dominée par les deux figures importantes que sont Mattia Preti et Luca Giordano. C’est aussi une époque qui voit le développement de la nature morte.

Mattia Preti, Saint Sébastien, 1657, Huile sur toile, 240×169 cm

Mattia Preti conjugue les influences de Caravage et de Ribera. La figure de son saint Sébastien occupe tout l’espace de la toile et est empreint d’une certaine théâtralité.

Luca Giordano, La madone au baldaquin, Vers 1685, Huile sur toile, 430 x240 cm

Surnommé « Luca fa presto » en raison de sa rapidité d’exécution, Luca Giordano produit de grandes compostions aux coloris très lumineux.

Giuseppe Recco, Nature morte avec poissons et autres créatures marines, 1671, huile sur toile, 260×340 cm

Giuseppe Recco est l’un des meilleurs spécialistes de la nature morte au XVIIe siècle. Il possède un grand sens de l’observation et un talent incomparable pour restituer les textures et les couleurs de la nature.

J’espère que cet article vous donnera envie de plonger dans les trésors de cette magnifique exposition du musée du Louvre. Mes choix d’oeuvres ne sont bien sûr pas exhaustif et de nombreuses autres oeuvres vous attendent pour le plasir des yeux .

Naples à Paris. Le Louvre invite le musée de Capodimonte, jusqu’au 8 janvier 2024

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