
Pour Vincent Van Gogh (1853-1890), le paysage n’est pas seulement la représentation d’un morceau de nature. C’est aussi le reflet des états d’âme de l’artiste. Peindre un paysage, c’est faire le portrait de soi-même et de ses questionnements. Le paysage devient un outil pour l’expression de soi.
Au début de sa carrière, les premiers paysages hollandais de Van Gogh sont traités dans une veine réaliste. Ils témoignent autant de l’héritage national, et notamment Rembrandt, que de son admiration pour les peintres de l’Ecole de Barbizon, Millet en tête.

Il y a un souci de réalisme dans la représentation du clocher en ruine et du petit cimetière qui l’entoure. C’est un paysage à l’atmosphère lourde et triste. Cette atmosphère aux couleurs sombres évoque les paysages de Rembrandt.

Pendant son séjour à Paris entre mars 1886 et février 1888, Vincent découvre l’Impressionnisme et éclaircit franchement sa palette de couleurs. L’été il se rend souvent à Asnières, ville proche de Paris en bord de Seine. Il y retrouve ses amis Emile Bernard et Paul Signac et peint des vues de ponts ou de bâtiments au bord de l’eau.

Le style comme le sujet montre l’influence des impressionnistes. Si le sujet du restaurant est fréquent, Vincent ne s’intéresse qu’au bâtiment quand les peintres impressionnistes auraient plutôt représenté le lieu de convivialité. Il adopte une palette de couleurs vives et multiplie les touches de blanc. Il développe l’usage de grandes hachures parallèles qui laisse entrevoir son futur style.
Mais c’est à partir de son séjour à Arles que Van Gogh développe un style très personnel. Il trouve dans la lumière du Midi la réponse à ses attentes d’une palette ultra colorée. De plus il retrouve dans les paysages tout ce qui l’a fasciné dans les estampes japonaises qu’il adore. Il écrit que ce pays lui « paraît aussi beau que le Japon pour la limpidité de l’atmosphère et les effets de couleur gaie ».


Van Gogh réalise plusieurs versions de ce pont-levis à Arles. La composition dynamique avec le canal en diagonale porte l’oeil du spectateur vers le pont. Le coloris se fait de plus en plus éclatant.

Van Gogh offre une vision de la ville à travers un rideau de peuplier. Ce procédé rappelle celui des estampes japonaises. Les touches sont de plus en plus longues et épousent la forme des troncs.

Le 8 mai 1889, Vincent quitte Arles pour être interné à l’asile de Saint-Rémy-de-Provence. Autorisé à peindre en extérieur sous la surveillance d’un gardien, Vincent se prend de passion pour les paysages avec des cyprès.

Ces moments de liberté dans la nature éclaircissent sa palette, qui est beaucoup plus terne lorsqu’il peint l’intérieur de l’asile. Ici, les jaunes sont plus éclatants, les verts et les bleus plus intenses. Mais les ciels se couvrent peu à peu de nuages, ici encore assez calmes, mais qui deviendront de plus en plus tourmentés, à l’image de ses propres angoisses.
Le 19 mai 1890, Van Gogh quitte l’asile pour se rendre à Auvers-sur-Oise où il va passer les soixante-dix derniers jours de sa vie. Son activité y sera intense et soixante-dix tableaux y verront le jour.

Vincent peint ici un lieu-dit, dans les environs d’Auvers. Derrière un immense champ de blé qui envahit plus de la moitié de la toile, on voit un ensemble de maisons, des collines puis une étroite bande de ciel. Les touches sont précises et très empâtées. Elles forment des lignes courtes ou longues, des points, des ondulations, comme les traits d’un dessin. L’artiste dessine avec la couleur. Ses couleurs s’éloignent de plus en plus de la réalité. L’ombre de l’arbre, à droite, devient une forme ondulante bleu turquoise. Van Gogh croit aux vertus fortifiantes de la campagne et il essaie de rendre ce sentiment à travers sa peinture.

Plus que deux bandes , l’une pour le champ et l’autre pour le ciel, servent à composer ce paysage. Le champ est parcouru par trois chemins qui se perdent dans les blés. Le ciel aux couleurs sombres et orageuses, est traversé par un vol de corbeaux, animal souvent associé à la mort. L’atmosphère y est angoissante. Les couleurs comme les formes sont peu vraisemblables. Le réel se trouve déformé par la vision intérieure du peintre. Avec ce paysage annonciateur de la mort , Vincent réactive son admiration pour Millet, bien que dans des tonalités très différentes.

Ces dernières semaines passées à Auvers en immersion dans la nature, ne sauveront pas Van Gogh de la dépression. Comme dans l’une de ses dernières toiles, l’artiste se trouve à la croisée des chemins funestes qui le mène au suicide le 27 juillet 1890, au milieu des champs de blé.
